jeudi 22 novembre 2012

Le côté obscur de Beaubourg


Si vous allez visiter le Centre Georges Pompidou en ce moment, et même si vous ne faites que l’approcher, vous ne pourrez certainement pas rater cette sculpture monumentale d’Adel Abdessemed, haute d’environ 5 mètres, et qui représente un instant très particulier : la fraction de seconde au cours de laquelle Zinedine Zidane, en pleine finale de coupe du Monde de Football 2006, a durement asséné un coup de tête au joueur italien Marco Materazzi, entraînant ainsi son expulsion immédiate. Comme tout le monde s’en rappelle probablement, cette finale s’est achevée sur une victoire sans panache de l’équipe italienne.

Et pour ne rien arranger, je crois bien que Materazzi s'est fait crotter sur la jambe gauche par un pigeon facétieux: ce n'est décidément pas son jour...
A l’époque, ce geste a bien sûr été abondamment diffusé, commenté et même parodié, jusqu’à saturation. Je ne vais donc pas revenir dessus.

Aujourd'hui, je trouve intéressant de se demander pourquoi c’est cet instant précis qu’un artiste a choisi de figer, en plein mouvement. D’autant plus qu’Abdessemed a choisi une matière, une couleur et une taille qui ne sont pas sans rappeler le monolithe noir de “2001 l’Odysée de l’espace” (enfin je ne sais pas vous, mais moi, en tous cas, ça me le rappelle), monolithe qui a lui-même fait l’objet de si nombreuses interprétations.

Ce que je préfère dans une œuvre d'art, c'est peut être les réactions que celle-ci provoque, la richesse (ou la pauvreté) des commentaires qu'elle suscite. C'est d’ailleurs peut-être aussi à cela que l'on reconnaît la qualité d’une œuvre : à la qualité des débats qu’elle entraîne.
Et cette fois encore, nous sommes servis : il y a quelques jours, je suis tombé sur le billet d'un blog au sujet de cette sculpture, accompagné de dizaines de commentaires, de tous les niveaux imaginables (même ceux que l'on aurait préféré ne pas imaginer).
Moins que le geste en lui-même, c'est maintenant l'opportunité d'avoir choisi cette image qui est abondamment discutée, et parfois violemment contestée, les détracteurs de cet oeuvre étant affreusement choqués que l'artiste ait choisi un moment si peu glorieux pour représenter leur idole.

Alors de quoi s'agit-il, au juste ? Cette sculpture nous donne l'occasion d'observer un moment charnière, un de ces instants décisifs pendant lesquels un destin peut basculer. En l'occurrence, un homme que certains ont élevé au rang de héros de la Nation, révéla ses faiblesses en cédant un court instant à la colère qui le brûlait depuis de trop longues minutes.

Pour le dire autrement, Abdessemed nous donne à contempler le moment exact où Zidane s'est laissé envahir par le côté obscur de la force, accomplissant ainsi son destin en terminant sa carrière sur un éclat qui contribua à forger sa légende.
Oui, car une part de cette légende tient au fait que nous ne saurons jamais si la France aurait fini par gagner cette finale sans l'exclusion de Zidane. Pour ses fans, cela ne fait bien sûr aucun doute: son aura de champion suffisait à galvaniser toute l'équipe et assurer la victoire. Mais le fait que cette question ne pourra jamais avoir de réponse apporte finalement bien plus à la légende que ne l'aurait fait une certitude. En fin de compte, on peut seulement supposer que l'équipe avait de meilleures chances de victoire.

Un chose cependant est certaine : ces joueurs, même les légendes vivantes, sont finalement bien des êtres humains, certes capables d’exploits sportifs inaccessibles pour beaucoup d’entre nous, mais avec les mêmes traits de caractère que nous, et les mêmes défauts. Ni plus, ni moins.

Au lieu de mettre en valeur un moment de gloire, cette oeuvre nous donne à observer un moment de faiblesse, l'explosion d'un conflit intérieur, par l'intermédiaire d'un champion répondant à l'appel du côté obscur.

Et pourtant, rappelons que "Plus fort le côté obscur n'est pas. Plus rapide, plus facile, plus séduisant il est." (Maître Yoda dans "L'Empire contre-attaque").

Le bon entraîneur il fallait choisir...

Et en guise d'habile transition vers un prochain sujet, on peut aussi remarquer que sur le parvis du Musée à Beaubourg, Zidane et Materazzi sont les proches voisins d’Alexandre Calder, qui a passé tellement de temps en Touraine que ce serait certainement une bonne idée de vous en parler prochainement dans ces quelques pages...


Alexandre Calder, longtemps inspiré par la Touraine


Le billet du blog qui a retenu mon attention se trouve ici, accompagné de tous ses commentaires : http://latta.blog.lemonde.fr/2012/10/30/zidane-une-erection-a-scandale/

Et si vous voulez préparer votre visite à Beaubourg, c'est par là: http://www.centrepompidou.fr/



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