mercredi 6 mars 2013

Dans le secret des Beaux-Arts


Il y a encore quelques jours, nous étions en plein milieu des vacances scolaires, et j'étais alors en charge de la surveillance et des divertissements de mes filles. Charlotte étant inscrite à un stage de sport toute la semaine, mon rôle s'en trouvait largement simplifié: je n'avais plus que deux filles à distraire... 

Un des défis des vacances scolaires, c'est de trouver des activités suffisamment excitantes (mais surtout pas trop...) pour occuper les filles, afin d'éviter quelles ne tournent en rond dans la maison, et ne finissent fatalement par sonder les profondeurs de ma patience.

Je me suis demandé où je pourrais les emmener pour les épater, un endroit qui sortirait de l'ordinaire, qui serait merveilleux, magique, où l'on pourrait imaginer des aventures incroyables, peuplées de créatures étranges et inquiétantes, et qui nous permettrait d'écrire notre propre légende.

Ayant déjà arpenté toute la surface de la cité avec les filles, il faut se creuser la tête pour trouver cela tout en évitant le "pfff, c'est nul, on l'a déjà vu"... 

C'est alors que l'idée m'a traversé l'esprit : "Mais tiens, en parlant de creuser, et si je les emmenais sous terre ? Avec le temps qu'il fait, de toute façon, on sera aussi bien sous la ville que dans la rue...".

Ce n'est pas une idée si bizarre qu'elle peut en avoir l'air à première vue: il se trouve que même les endroits que nous fréquentons régulièrement regorgent de ressources auxquelles nous ne pensons pas toujours. Par exemple, les filles connaissent bien les jardins de la ville, comme celui des Beaux-arts (enfin, elles connaissent très bien ses jeux, toujours agréables même en plein été, et surtout leur super interphone dernier cri qui peut répéter tous les vilains mots...).

Le musée des Beaux-Arts de Tours est installé dans l'ancien palais de l'archevêché, et dispose d'un cadre absolument magnifique. Bien évidemment, l'éléphant Fritz, gardien du superbe cèdre libanais, n'a déjà plus aucun secret pour nous depuis bien longtemps, car il n'est pas question de nous rendre aux jeux sans saluer cette vedette incontestable.

Mais il y a beaucoup plus: le musée renferme un secret qui a échappé aux filles jusqu'à présent. Juste à gauche de l'entrée du palais, une porte tout à fait ordinaire donne accès à un souterrain qui conduit aux pieds du rempart gallo-romain, construit au quatrième siècle. Et là se trouvent des traces des événements fondateurs de la ville.

Un tel secret fait l'objet des plus grands soins, et il n'est pas possible de l'approcher sans être escorté par un guide du musée, qui nous conduira sous le palais, à condition toutefois de s'acquitter de la somme de 2€ par adulte. À ce moment-là, le guide ne le sait pas encore, mais ce prix est dérisoire par rapport à l'énergie que les filles peuvent déployer, même dans un espace aussi réduit, et il aurait été plus opportun de prévoir une équipe du GIGN...



L'éclairage est juste suffisant pour mettre les pierres en valeur, tout en conservant une ambiance mystérieuse, propre à imaginer une embuscade de gobelins, trolls ou autres démons. C'est parfait, les filles devraient être suffisamment impressionnées pour être sages...





Puis la descente commence et nous entraîne lentement sous le cœur du musée, vers l'histoire de Tours. Le rempart de la ville fut en partie construit avec des matériaux de récupération, provenant d'édifices publics du deuxième siècle. Ce qui est sidérant quand on observe ces fondations, c'est ce bric à brac de blocs de pierres, fûts de colonnes, chapiteaux, et tout cela empilé sans aucune cohérence apparente. Et dire que les remparts de la ville tiennent là-dessus depuis bientôt deux mille ans...
























Et puis, tout au bout de ce souterrain, bien calé par des milliers de tonnes de pierre, se trouve le Graal: un bloc de pierre sur lequel on peut voir des traces contemporaines de l'accession à l'indépendance de la ville de Tours : "CIVITAS TURONORUM LIBERA", la cité libre des Turons. L'ensemble des fragments de ces inscriptions serait une dédicace de la ville à l'empereur romain Claude et ses fils, Tiberius Claudius Drusus et Britanicus, inscrite sur les murs d'un temple élevé en l'honneur de l'empereur suite à la conquête de la Bretagne, autour de l'an 50. L'intérêt aujourd'hui est surtout de constater qu'à cette période, Rome a déjà accordé son autonomie à Caesarodunum, et la cité des turons deviendra bientôt Tours...



Bon, je dois le reconnaître, je m'attendais à ce que les filles soient au moins impressionnées, voire légèrement effrayées par l'ambiance du souterrain, et qu'elles se collent à moi pour que je les protègent, ce qui m'aurait permis de me conforter dans mon rôle de papa indestructible, courageux, infaillible, tout ça tout ça...

Et bien pas du tout. Mais alors vraiment pas du tout.

Nous étions à peine entrés qu'elles se sont mises à courir partout pour explorer les moindres recoins, escalader les blocs de tuffeau, et donner des coups de pieds dans les cailloux qui traînaient par terre, en poussant des cris de joie (en tout cas, ça n'avait vraiment pas l'air d'être de la peur...).


Et moi, pendant ce temps, un rien embarrassé, j'essayais de suivre les explications de ce pauvre guide qui me regardait, médusé, et continuait de tenter de m'éclairer comme il le pouvait, pendant que les filles nous couraient autour, prévoyant peut-être de nous faire prisonniers...

Dans cette situation, je peux toujours tenter de faire celui qui ne les connait pas, mais cette fois, ça avait peu de chances de prendre: nous ne sommes que quatre dans ce souterrain, je suis arrivé avec elles, et en plus elles m'appellent papa (difficile d'échapper à mon destin dans ces conditions...).


En plus de cela, les démons et gobelins m'ont lâchement abandonné et ont préféré rester cachés au plus profond des ténèbres, plutôt que de venir se mesurer à deux petites blondes de 5 et 6 ans. Les mauviettes. Ça, je leur resservirai la prochaine fois qu'ils essayent de venir jouer les pénibles...

Un peu plus sérieusement, si l'histoire de la ville de Tours vous intéresse, et si vous aimez les lieux insolites qui échappent à la plus grande fréquentation, venez voir par ici, vous ne serez pas déçus. Et puis les trolls ne sont pas près de remettre les pieds aux Beaux-Arts...



Vous pourrez lire des infos bien plus sérieuses et détaillées sur ces inscriptions dans les archives de la "Revue archéologique", ici, et aussi .
Et si vous voulez voir des images superbement réussies de ce souterrain, vous en trouverez ici, chez Dan, sur son blog "Un regard sur Tours", sur lequel vous trouverez plein d'autres photos splendides de notre ville...

2 commentaires: