Il y a quelques jours, nous explorions notre quartier, à la découverte de ses curiosités à peine cachées, et c'est alors nous sommes tombés sur ce que tout le monde ici appelle familièrement "les 100 marches". Comme vous pouvez vous en douter à ce nom évocateur, il s'agit d'un escalier. Mais pas n'importe lequel. À entendre les habitants du quartier en parler, on sent bien qu'il fait partie des mythes et légendes locales, et que nous devons être les derniers à ne l’avoir jamais emprunté. Il fallait absolument que nous allions voir de plus près, pour ne plus avoir l'impression de passer à côté de la "Tour Eiffel" du coin.
De loin, c’est très curieux: cet escalier planté dans le coteau semble monter directement dans la végétation, et on n’en voit pas la fin. Intrigués, nous nous sommes engagés dans l'étroite "allée de la côte fleurie", vers les seules premières marches visibles, comme s'il s'agissait d'un rite initiatique pour enfin appartenir pleinement à ce quartier.
Après cela.... ? |
Et nous ne savions même pas où nous allions... Mais ça n’avait aucune importance: d’ordinaire, le chemin mène vers la destination. Cette fois, c'est le chemin qui était notre destination.
Et puis il ne servait à rien de se demander: "Où cet escalier mène-t-il ?", alors que la vraie question était plutôt: "Quand mène-t-il ?". Oui, car au bout des 122 marches de cette légende (comptage certifié par les filles, le maçon n’était apparemment pas mathématicien), nous sommes arrivés... dans les années 1930 ! Ou alors, les maisons qui se sont installées ici dans les années 30 ne sont jamais parties, et n’ont pas changé d’une brique. En tous cas, l’effet est saisissant. Il ne manque que quelques calèches, quelques Delahaye, peut-être aussi un allumeur de réverbères, pour que le tableau soit complet.
Nous avions le sentiment de nous promener dans le décor d'un vieux film muet, nous étions presque surpris de nous voir en couleur et de pouvoir nous parler sans brandir nos répliques sur des cartons !
Mais il était temps de quitter nos rêveries, et de revenir à la réalité. Pour cela, rien de plus simple: il suffisait de reprendre l'escalier dans l'autre sens.
C’est alors, sur le chemin du retour, les yeux encore chargés de nos découvertes, que le drame soudain, inattendu, sournois, implacable nous tomba dessus: Elise avait perdu son collier. Un authentique collier magique en véritable plastique massif, fabriqué uniquement en quelques centaines de milliers d’exemplaires pour une édition illimitée d’un prestigieux magazine féminin (un "OK Girls" à 1€20 maxi).
Inconsolable.
Et alors il importait peu que nous soyons presque arrivés à la maison, que ce soit l’heure du bain, et même déjà du repas, et que notre seule infime chance de retrouver cette merveille soit de refaire tout le chemin en sens inverse, en regardant le plus près possible de nos pieds (captivant, comme promenade !)
En plus, il fallait faire vite si nous ne voulions pas finir noyés sous les larmes. J’avais l’impression de partir à la quête du Graal, il me manquait juste une Excalibur en plastique (oui, en plastique: il faut s’adapter au but poursuivi...)
Par chance, nous avons facilement retrouvé nos pas, puis un peu plus loin, l’escalier, et à ses pieds, le (((précieux))) collier. Il ne nous restait plus qu'à rentrer en évitant de nous laisser embarquer dans une nouvelle aventure avant le dîner...
Et voilà, tout ça pour vous dire pourquoi, depuis ce jour, quand nous sortons faire une balade, nous nous préparons toujours à en faire deux: une première le nez en l’air, puis la même les yeux dans les orteils.
Depuis, je ne compte plus le nombre de fois où je suis tombé du haut d’un trottoir, et où je me suis fait bousculer par un réverbère...
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