Il y a quelques jours, alors que nous étions en vacances dans une maison danoise échangée avec la nôtre, nous sommes tombés sur le magazine "Psychologies", dont l'édito portait justement sur l'échange de maisons. La coïncidence était déjà grande, mais elle le fut encore plus dans la description, par l'auteur, de son expérience de ce système.
À la fin de son édito, le journaliste invitait les lecteurs à lui faire part de leurs commentaires. L'occasion était trop belle pour la laisser passer. J'ai ainsi décidé de lui transmettre mes réflexions, en une poignée de paragraphes.
Et si l'idée vous prenait d'essayer à votre tour, voici donc mon point de vue sur le sujet, limité à quelques impressions issues d'une expérience encore assez limitée, mais qui viendra probablement à s'étoffer dans les années qui viennent...
Nous sommes une famille de cinq, et c'est vrai que le système de l'échange présente pour nous des avantages pratiques et économiques non négligeables. Cependant, après deux échanges réussis, nous réalisons qu'il y a effectivement bien plus que la simple question d'un logement pour les vacances.
Quand nous avons commencé à en parler avec nos amis, nous avons rarement suscité l'indifférence, mais souvent la curiosité, ou la crainte : "Mais ils vont vous voler des affaires ?! Ils risquent de casser des choses ?! Ils vont fouiller dans vos tiroirs ?! Vous allez devoir tout ranger dans une pièce fermée à clef ? ".
Nous avons également constaté avec surprise que dans nos couples d'amis, il y en a souvent l'un des deux qui est enthousiaste, tandis que l'autre y est farouchement opposé…
Le processus qui mène à l'échange est assez long. Pendant une première phase, nous prenons beaucoup de contacts, en fonction des destinations que nous visons, avec des familles à peu près de même composition que la nôtre, afin d'avoir le même nombre de chambres. Nous sommes également régulièrement sollicités par d'autres familles, ou bien des couples, qui visent notre région.
Puis, une fois que nous avons trouvé une famille avec qui échanger, disponible en même temps que nous, c'est là qu'une véritable relation commence à s'installer.
En effet, nous ne nous connaissons pas, il va donc falloir nous montrer dignes de confiance si nous voulons accéder à leur maison. Alors nous parlons de nous, de notre famille, de notre travail, de notre région, de nos dernières vacances, etc. Nos trois filles sont tout aussi enthousiastes : elles veulent tout savoir sur les enfants de l’autre famille : leurs prénoms, leurs âges, leurs activités, leurs animaux de compagnie...
Au fil des mails, destinés initialement à organiser les modalités pratiques des vacances, nous en venons à discuter de plus en plus, de nous-mêmes, de nos projets, nous échangeons des photos de vacances, la confiance mutuelle s’installe…
Et puis lorsque le moment arrive, nous nous efforçons de leur rendre le séjour le plus agréable possible : on laisse une ou deux bouteilles de vin, quelques spécialités locales, des recommandations de sites à visiter, ou bien de restaurants à essayer. Pourquoi ces petites attentions ? Tout simplement par plaisir, parce que nous avons créé une relation telle que nous avons vraiment l’impression d’avoir invité des amis chez nous pour leurs vacances, pendant que nous veillerons sur leur maison.
Notre plus grande inquiétude, à ce stade, est plutôt de savoir si tout se passera bien pour eux, si tous les appareils vont bien fonctionner, si la "trucbox" ne va pas planter, s'ils seront bien installés, s'ils ne vont pas avoir de soucis avec l'eau, l'électricité, etc.
Et nous leur laissons alors les clefs en toute confiance (sans n'avoir rien enfermé dans une pièce de la maison...).
Petite anecdote assez amusante, tirée de notre récent séjour au Danemark, et qui illustre assez bien cette volonté d’ouverture : nous nous étions renseignés sur les usages de politesse, et avions lu que les Danois se saluent très sobrement, se font très rarement la bise, et même se serrent peu la main. Ainsi, à notre rencontre «physique» chez eux, nous étions plutôt réservés, et eux nous ont presque sauté au cou pour nous faire la bise… Ils s’étaient eux aussi renseignés de leur côté, et avaient appris que pour les français, c’était une pratique courante entre amis… Pour une fois, ce sont les enfants qui sont les plus timides, la langue est un obstacle un peu plus sérieux pour eux, mais pas pour très longtemps.
C’est lors de ces rencontres (pas obligatoires, mais tellement plus sympathiques) que l’on réalise que l’on peut passer la soirée à discuter avec des gens que l’on voit pour la première fois, dans une langue que nous ne maîtrisons même pas, avec quelquefois des difficultés, mais toujours avec la volonté de se comprendre. nous sommes encore assez loin de l’audace d’Antoine de Maximy, dans sa fameuse émission «J’irai dormir chez vous» (je lui envie son incroyable sens du contact humain…), mais il faut quand même aller prendre des initiatives, se faire confiance rapidement, et aller vers l’autre en s’affranchissant des barrières sociales que nous nous imposons bien souvent à nous mêmes (on ne dispose que de peu de temps ensemble, alors autant oublier les réserves et la période d’observation). Nos filles sont toujours aussi enthousiastes pendant l’échange : elles s’occupent des animaux de compagnie, elles nous parlent des autres enfants comme s’ils se connaissaient depuis des années, elles sont très curieuses de savoir comment ils se sont répartis leurs chambres chez nous, ce qu’ils font, à quoi ils jouent...
Vous aurez sans doute remarqué que j'ai souvent utilisé le mot "confiance ". Cette répétition n'est pas due au hasard. La confiance intervient à plusieurs reprises dans un échange, mais en ce qui me concerne, je n'ai eu aucun effort à faire pour l'accorder. À aucun moment je ne me suis forcé à lâcher prise. La confiance arrive toute seule, dès les premiers échanges par mail, souvent en anglais approximatif... On peut avoir un bon ou mauvais feeling en quelques mots seulement, et pour l'instant, après deux échanges réussis, nos premières impressions ont été largement confirmées par la suite.
Alors oui, nous envisageons bien sûr de continuer dans cette voie, et nous chercherons encore de nouveaux contacts, qu’ils soient proches, ou bien à l’autre bout du monde, en recherchant tout autant un simple logement, que la qualité des échanges humains que nous avons connus jusqu’ici…