Je suis toujours surpris par l'effet de l'élévation de la température extérieure sur nous : impossible de traîner au lit le matin, de garder les portes fermées, et de rester tranquillement installés près du feu avec un bon livre, ou devant un DVD avec les filles, tous serrés les uns contre les autres comme des chats en manque de câlins. C'est comme si on était aspirés au dehors, vers le soleil et la brise tiède du matin. C'est pourtant si facile en hiver: les disputes se résument alors au choix du dessin animé, et les sorties se limitent à aller chercher du bois dans le garage pour alimenter le poêle.
A présent, c'est certain, après quelques timides tentatives avant les vacances d'avril, le printemps nous a bien rejoints, et s'est installé le long du fleuve royal. L'occasion pour nous de parcourir la vallée, à la découverte de ses châteaux.
Nous étions alors sans savoir que celui dans lequel nous nous arrêterions cette fois nous réservait des aventures aussi invraisemblables...
Comme je n'étais pas bien sûr de croire encore à cette histoire d'ici quelques jours, je pris mon bloc-notes pour écrire un récit qui me permettrait de soigner mes insomnies sans fin:
Après un hiver qui nous semblât interminable, nous étions pressés de partir à l'aventure, percer les secrets d'un des innombrables châteaux de la Vallée de la Loire. C'est ainsi que par une belle journée ensoleillée du mois d'avril, notre petite famille prit la route de Cheverny, près de Blois, afin d'y contempler un petit bijou de la renaissance, un château toujours habité par ses propriétaires.
Arrivés sur place, il se produisit un phénomène des plus étranges : le château, ainsi que tout le paysage, se transformèrent en décor de bande dessinée! Il me semblait que même moi, je n'étais plus qu'un personnage de BD, un vague cousin du capitaine Haddock, peut-être (mon inséparable pull marin est sûrement pour quelque chose dans cette impression...).
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Source : http://www.chateaux-story.com |
La curiosité, profitant de notre surprise, nous poussa dans la crypte du château, où le célèbre reporter Tintin fut détenu par les frères Loiseau, qui cherchaient alors à faire main basse sur le fabuleux trésor du terrible pirate Rackham le Rouge.
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Source : http://arts-spectacles.krinein.com |
La crypte nous livrait ses secrets un par un, trappe après trappe, une merveille après l'autre, nous plongeant à chaque fois un peu plus loin dans l'imagination d'Hergé.
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Source : http://www.chateau-cheverny.fr/ |
Mais alors que nous admirions l'habileté déployée par Tintin pour s'enfuir à l'aide d'une poutre et d'un simple drap, Elise et Aurore, probablement inspirées par tant d'ingéniosité, nous faussèrent compagnie pour aller découvrir par elles-mêmes les secrets du château.
Seulement voilà: nous avions beau chercher, plus aucune trace des filles. Avaient-elles décidé, sur un accès d'espièglerie, de nous jouer un sale tour et de se cacher dans une histoire ? Ou bien elles s'étaient peut-être retrouvées embarquées par un de ces personnages hauts en couleur qui peuplent cet univers mystérieux...
Mais alors, qui pouvait être dans le coup ? Les frères Loiseau, évadés de prison ? L'équipe de flibustiers de Rackham le Rouge, évadés d'un roman d'aventures ? Les espions Bordures infiltrés au cœur même de la vallée de la Loire ?
L'angoisse montait en moi, accompagnée de toutes ces sensations familières, qui s'invitent à tout bout de champ, sans prévenir, sans attendre qu'on soit prêt, sans la moindre délicatesse. Je sentais déjà l'intérieur de mon ventre se liquéfier. Il parait que le corps humain est composé d'eau à 60 %. Là, j'étais déjà à 80 %, en train de passer à 90 %, et je ne serais bientôt plus qu'une grande flaque d'angoisse inerte.
J'avais le souffle court. Le cerveau en ébullition.
Il me fallait un plan. Vite.
L'idée me vint alors de faire appel à la célèbre détective, Mademoiselle Charlotte Holmes. Et ce qui tombait bien, c'est qu'elle nous faisait justement l'honneur de nous accompagner...
Nous en étions là, Charlotte et moi, à nous demander comment Dupont et Dupond s'y prendraient pour repérer les indices que pouvaient laisser Élise et Aurore derrière elles: miettes de gâteaux, traces de doigts au Nutella sur les murs, poignées de portes collantes de bave de sucette, fresques "Hello Kitty" sur les murs du château... Par où commencer ? D'autant plus que le jeune prince Abdallah les avait précédées, laissant également son empreinte caractéristique...
C'est alors que Charlotte remarqua au sol les traces de pattes de Milou : "il a du flairer une piste. Nous n'avons qu'à suivre ses traces, elles nous guideront à travers le château pour retrouver les filles !".
Les traces de pattes nous emmenaient vers le salon du château, mais au moment précis où nous sommes entrés, un coup de tonnerre nous figea sur place, toutes les vitres volèrent en éclat, et la lumière s'éteint, nous laissant seuls avec le téléphone qui sonnait, insistait, et insistait encore et encore jusqu'à ce que Charlotte Holmes se décide enfin à décrocher.
Elle ne me quittait pas du regard tandis qu'elle buvait littéralement les paroles de son interlocuteur. Puis elle raccrocha, et toujours en me fixant de ses grands yeux bleus, me dit: " Ces gars-là ne reculent devant rien: ils demandent carrément la Boucherie Sanzot ! Il faut vraiment être tordu pour imaginer un échange pareil ! ".
Par chance, on pouvait encore compter sur les filles pour tenter de s'échapper en feignant (ou pas) de se disputer pour faire diversion, et filer vers le laboratoire de Tournesol, dans l'idée d'y trouver de quoi attirer l'attention (bien qu'il soit assez rare qu'elle réussissent à passer inaperçues...).
C'est alors qu'il nous revint en mémoire l'avertissement du gardien du château, que nous avions croisé à notre arrivée : "Prenez garde ! Interdiction absolue de ne pas toucher et de garder les mains dans les poches: les enfants doivent ouvrir toutes les portes, toucher à tous les boutons, et regarder dans toutes les cachettes secrètes dans les trappes, c'est très important ! ".
Ce n'était pas tombé dans l'oreille de sourdes. Elles avaient effectivement trouvé et testé les machines de Tournesol: toutes les vitres du château étaient cassées, et j'entends encore la voie d'Aurore qui résonne dans les couloirs : "T'as vu ça, il est trop fort, ce Tournesol! Un bouton rouge, et hop! Plus de carreaux, ni de vaisselle! ". Et Élise de répondre: "Ouais, les parents vont être trop contents qu'on les ait débarrassés du ménage!".
Charlotte Holmes remarqua alors, au milieu de tout ce verre brisé, un paquet de cigarettes étrangères (bordures, pour être exact) ainsi qu'un morceau de tissu. Étaient-ce réellement des indices que les filles avaient réussi à nous laisser, ou bien étaient-ce des traces laissées là intentionnellement par Boris (oui, Boris, l'espion Bordure que si vous n'avez pas compris au premier coup d'œil que c'est un espion, c'est vraiment que vous vivez dans une BD...) pour nous emmener sur une fausse piste et s'emparer tranquillement des plans de la fusée lunaire ?
Le moment était venu de faire le point sur les cartes que nous avions en main afin d'évaluer nos chances de succès. Charlotte Holmes prit son précieux carnet de notes, sur lequel elle avait pris soin de faire l'inventaire des indices :
- Salle de bain, cuisine : vitres... Tout cassé !!!
- Poignées collantes, résultat des analyses : bonbon + bave (dégueu !)
- Salon : blague du boucher (trop chelou !)
- Empreintes de Milou : je pense qu'il s'est roulé les pattes dans la farine...
Charlotte décida qu'il valait mieux faire confiance à Milou plutôt qu'à un vieux bout d'imperméable et quelques mégots qui parlent à peine notre langue.
Les traces de Milou nous conduisaient droit vers la salle des bateaux, mais un frisson nous parcourut lorsque nous vîmes les navires prêts à l'abordage : Élise avait été enlevée par l'infâme Rackham le Rouge, et elle était prisonnière sur le bateau des pirates, en pleine bataille avec le chevalier François de Hadoque !
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Source : http://www.pbase.com |
Heureusement, Charlotte Holmes a plus d'un tour dans son sac : la voilà
qui se précipite vers le sous-marin de Tournesol, avec l'idée
d'approcher discrètement, pour récupérer Élise sur le vaisseau de
Rackham le Rouge, pendant que la bataille fait rage sur le pont.
Aurore, de son côté, avait réussi à échapper à ces cloportes de pirates d'eau douce, et parcourait le château de salle en salle, afin de mettre la main sur un modèle rare: une authentique armure pour enfant, pour en découdre avec ces misérables moules à gaufres et leur amiral de bateau-lavoir !!
Et nous voici sur le pont de la Licorne, prêts à croiser le fer avec ces olibrius, mais ces bougres d'extraits de patate, aveuglés par leur cupidité et croyant avoir repéré des boucles d'oreille en plastique, se mirent à se battre entre eux, nous donnant ainsi l'occasion de filer en douce dans les couloirs du château et de découvrir, par la même occasion, que le trésor était caché dans la crypte, depuis le tout début de cette histoire.
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Tintin et le capitaine Haddock, nous ayant visiblement précédé de peu, garderont le trésor de Rackham et le château de Moulinsart, nous laissant nous diriger vers la dernière épreuve, celle que connaissent si bien les parents qui accompagnent leurs enfants dans les châteaux, et qui se trouve toujours juste avant la sortie...
Et voilà. Tout ça, juste pour finir par tomber tous ensemble dans l'habituel piège sournois et imparable: la boutique à souvenirs... Et bien évidemment, aucun moyen d'en sortir sans payer une rançon, tonnere de Brest !!
Bon, plus sérieusement, si vous voulez préparer votre visite, vous feriez mieux d'aller voir le site du château, ou bien consulter des blogs plus sérieux, par ici, par là, ou encore là.
En attendant votre visite, voici quelques images du château, de ses jardins et de l'exposition...
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Source : http://stephane0369.over-blog.com |
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Source : http://www.chateau-cheverny.fr/ |
Je dois vous laisser : d'autres aventures nous appellent, et nous avons encore tellement de pages blanches qui n'attendent que nos récits...
A très bientôt !